Le point sur quelques éléments de langue relatifs à la COVID-19
Grâce à mon travail, j’ai la chance d’être aux premières loges des événements de société et d’observer avec bonheur le chemin que se taillent certains termes au fil des mois. La COVID-19 a été foisonnante, c’est certain! Des lexiques officiels sur le sujet commencent à être publiés, mais je vous présente ici mon lexique officieux. Il comprend quelques termes qui surprennent, font rire ou nous embrouillent. Lumière sur ces vedettes de la pandémie!
LE ou LA COVID-19?
On a commencé par dire « le » COVID ». Puis, « la » COVID s’est tranquillement imposée. Tandis que certains de nos cousins français emploient encore le masculin, il est maintenant établi que « COVID-19 » est de genre féminin. L’Académie française et le service linguistique de Radio-Canada ont d’ailleurs rédigé des articles pour rectifier le tir. Pourquoi?
Le genre d’un acronyme est déterminé par le nom central auquel il réfère. L’acronyme « COVID-19 » désigne « coronavirus disease », soit « maladie à coronavirus 2019 ». On sous-entend donc « la maladie » quand on utilise l’acronyme. Ce qui porte à confusion, c’est que l’on confond la maladie et le coronavirus. Dans les faits, le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (la méchante bête en question, de son petit nom le SRAS-CoV-2) cause la COVID-19.
Tout cela vous donne mal à la tête? Ne prenez pas de risque, allez passer un test de dépistage.
Coronamontagnes russes
Voilà un terme non officiel que j’ai vu passer et que j’ai aussitôt adopté (je n’ai pas encore eu l’occasion de l’insérer dans un texte, mais je le garde en réserve). Qu’est-ce que ça désigne? Simplement les hauts et les bas émotionnels vécus pendant la pandémie. Vous savez, un jour, on se sent ultramotivé à s’aménager une vie riche et pleine malgré les circonstances (doigt d’honneur au virus!), et le lendemain, c’est l’abattement total, rien à faire, on a la flemme. Bienvenue dans les coronamontagnes russes. La seule bonne nouvelle, c’est que nous n’avez pas à patienter en file pour faire un tour.
Quarantaine
La quarantaine était à l’origine un retrait préventif des navires qui durait 40 jours, comme l’explique un article du Devoir. Mais si on isole les gens pendant 14 jours, devrait-on parler d’une quatorzaine? Ce n’est pas encore le cas. Il semble que le sens de quarantaine se soit élargi avec le temps pour désigner toute période d’isolement pendant l’incubation d’une maladie. Nous avons même au fédéral la Loi sur la mise en quarantaine. C’est incongru, mais c’est l’usage, que voulez-vous.
Salut du pied et coude-à-coude
Quelle ne fut pas ma surprise de voir figurer dans le lexique du Bureau de la traduction ces néologismes légers aux côtés de termes bien plus sérieux. Ces deux termes ont la même définition, soit « une manière de se saluer qui permet d’éviter la poignée de main ». Si le salut du pied et le coude-à-coude apparaissent dans le lexique, c’est qu’on les a collectivement adoptés. Les plus malins ne manqueront pas de remarquer qu’on nous recommande aussi de tousser dans notre coude, mais bon, un peu plus ou un peu moins d’incohérence, qu’est-ce que ça change au point où nous en sommes?
Source : PlayBac Presse
Le Grand Confinement
Ce terme serait apparu le 14 avril 2020, créé par une économiste du Fonds monétaire international (FMI). J’ai un peu sourcillé la première fois que je l’ai entendu; je trouvais qu’il était encore tôt pour donner un nom officiel à cet événement historique. Après tout, beaucoup de pays ont vécu d’autres confinements par la suite, et en date de la parution de cet article, il ne sont toujours pas terminés. Est-ce que seul le premier confinement sera considéré comme le « Grand »?
En fait, le FMI a voulu baptiser la crise économique engendrée par la pandémie, de la même façon qu’on parle de la Grande Dépression dans les années 30. Ça se défend. Je prédis cependant que le terme passera à l’histoire dans un sens plus large, et qu’on renommera peut-être toute cette crise sanitaire autrement. Mes suggestions : la Grande Écœurantite à Domicile, le Grand Abus de Netflix ou la Grande Pénurie de [insérer l’article de votre choix].
ADN et ARN
Nous connaissons tous l’ADN, une molécule qui contient le matériel génétique des êtres vivants. Remercions ici Steven Spielberg qui a fait notre éducation à ce sujet dans le premier opus du Parc Jurassique.
L’arrivée de nouveaux vaccins a fait découvrir à la planète entière un autre aspect de la génétique, soit l’ARN. Cette molécule agit comme intermédiaire entre l’ADN et les protéines dans le processus de « codage ». Je ne m’aventurerai pas plus loin dans ce domaine qui n’est pas le mien.
En bref :
- ADN = acide désoxyribonucléique.
- ARN = acide ribonucléique.
- Les vaccins à ARN messager ne modifient pas l’ADN d’une personne.
- Aucun dinosaure ne verra le jour pendant le processus de vaccination (fiou).
Je peux comprendre l’inquiétude que peut susciter une nouvelle technologie vaccinale, surtout quand les concepts qui la composent ne sont pas si évidents à comprendre. La population générale aurait peut-être eu moins de doutes envers cette technologie si l’ARN portait un autre nom, comme « molécule de transcription ». Un vaccin à molécule de transcription, ça me semble plus inoffensif, non?
Pour en savoir plus sur les vaccins à ARN, je vous recommande cet article éclairant de Québec Science.
Tourisme vaccinal
Quoi? Tourisme? Voyage? Oui, s’il vous plaît!
Le terme « tourisme vaccinal » a fait son apparition pour désigner un « voyage vers une destination où il est possible d’être vacciné plus rapidement qu’à son lieu de résidence ». Il suit le modèle d’autres termes semblables comme « tourisme médical » (obtenir des soins dans un autre pays) ou « tourisme de la mort » (obtenir une aide médicale à mourir dans un autre pays).
Je me suis cependant demandé, les frontières étant fermées, dans quelles circonstances le tourisme vaccinal est possible à l’heure actuelle. Peut-être que le terme prendra tout son sens lorsque les déplacements internationaux reprendront…
Traçage des contacts
On l’entend à profusion et je ressens chaque fois un petit pincement. Je vous l’annonce : « traçage des contacts » est un anglicisme. C’est un calque de « contact tracing ». En français, le verbe « tracer » n’a pas le sens du « trace » anglais (trouver quelque chose ou quelqu’un en suivant des indices).
La bonne expression en français est « recherche de contacts ». J’ai eu une certaine déception quand j’ai découvert cet équivalent dans plusieurs sources fiables. Bien sûr, le terme est correctement formé. Les agents de la Santé publique recherchent effectivement les personnes qui ont été en contact avec une personne ayant obtenu un résultat positif au test de la COVID-19. Mais « recherche », c’est tellement générique, alors que « tracing » nous emmène dans une histoire de pistes et d’enquête. C’est probablement pourquoi « traçage » garde sa popularité dans l’usage.
Utiliser les bons mots
Comme c’était le cas dans la période de légalisation du cannabis au Canada, les entreprises et organismes doivent publier un grand nombre de communications sur la COVID-19, et elles doivent le faire avec soin. Nouvelles mesures, prévention, avis pour rassurer la clientèle et les employés, initiatives en santé mentale : ce ne sont que quelques exemples de documents produits dans le sillage de la pandémie. Pour assurer la cohérence dans leur message, les organisations doivent s’appuyer sur un vocabulaire précis et à jour — justement ce à quoi carburent les langagiers professionnels. Dans le doute, n’hésitez pas à faire appel à nous.
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