Comment traduire « foodie » en français?
La bouffe est plus que jamais d’actualité et les médias traitent du sujet à toutes les sauces (héhé). C’est toutefois une campagne publicitaire du groupe Fromages d’ici qui m’a réveillé l’instinct terminologique. Dans des capsules vidéo présentant des Québécois fous de bonne cuisine, on nous montre « les foodies d’ici ». Eh bien, s’ils sont d’ici, pourquoi n’a-t-on pas trouvé d’équivalent français pour les désigner? Examinons la riposte des terminologues à cet anglicisme gastronomique.
Cuisinomane
ET VLAN! Dans les dents. Les terminologues ont rapidement détecté l’émergence de « foodie » et y ont répondu en 2015 par… « cuisinomane ». Un néologisme parfaitement formé « sur le modèle de mélomane, où le suffixe -mane signifie “qui a la passion de” », selon le Grand dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française.
La base de données terminologiques du gouvernement fédéral, Termium, propose en vedette le même équivalent, ainsi qu’en synonyme « bouffe-dingue » (!) et « bouffe-en-train » (!!). Passons outre ces dernières excentricités et revenons à « cuisinomane ». Les deux institutions se sont-elles consultées pour accoucher de ce terme? Probablement. Le fait est qu’il est difficile d’argumenter contre un néologisme aussi élégant. En même temps, sa sophistication est à mon avis son talon d’Achille.
Le parfait agent double
« Foodie » est court. Simple. Facile à utiliser et à prononcer pour un francophone, même pour celui dont la connaissance de l’anglais se limite à yes/no/toaster. Ces caractéristiques font de lui un espion difficile à déloger de nos habitudes linguistiques. L’agent double s’est parfaitement intégré au groupe infiltré. Mais ce n’est pas tout : être un foodie, c’est cool. Être un cuisinomane, c’est… comment dire?
Le foodie est une personne qui apprécie la bonne chère. On l’imagine épicurien et détendu. Le cuisinomane, lui, me semble déjà plus stressé. On dirait presque qu’il s’apprête à faire un carnage en cuisine. Après tout, le mot est aussi basé sur le modèle de « pyromane »…
Gourmet ou gourmand
Le sophistiqué « cuisinomane » rivalise donc difficilement avec « foodie ». Un coup d’épée dans l’eau de la part des terminologues, peut-être. Mais qui ne voit-on pas alors arriver à la rescousse? Les usagers de la langue eux-mêmes, fiers petits soldats! En effet, dans de nombreuses publications, l’anglicisme a été traduit par « gourmet » ou « gourmand », comme en témoigne cet extrait d’un communiqué de presse du Festival Montréal en lumières.
Give the Gift of Gastronomy!
The MONTREAL HIGH LIGHTS Festival offers this delectable gift idea for all your foodie friends.
La gastronomie en cadeau
Le Festival MONTRÉAL EN LUMIÈRE propose aux gourmets et aux gourmands de délicieuses idées-cadeaux.
Dans les concordanciers Tradooit et Linguee, « gourmet » est également la solution la plus fréquente. Le Larousse anglais-français propose aussi « fin gourmet ». Ces sources peuvent être discutables, mais on ne peut nier la tendance. Le Petit Robert définit d’ailleurs le gourmet comme une « personne qui apprécie le raffinement en matière de boire et de manger. » Un foodie, alors? C’est vrai que « tripeux de bouffe » est une définition qui s’inscrirait mal dans le dictionnaire!
Bref, ce ne sont pas les choix qui manquent pour nommer les passionnés de cuisine. Qu’on décide de s’appeler cuisinomane, bouffe-dingue, bouffe-en-train ou gourmet, une chose est sûre : il faudra travailler son attitude bobo pour être aussi tendance que le foodie, comme nous le rappelle cette hilarante définition de l’Urban Dictionary.
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